Rock en Seine
Sélection de biographies, éditions 2014 - 2015 - 2016
Blondie
2014
Comment évoquer Blondie sans faire naître – One Way Or Another - en n’importe quel interlocuteur une mélodie – Atomic – irrépressible ? En narrant la rencontre, à jamais inscrite dans l’histoire du rock, de Debbie Harry – Heart Of Glass - et de Chris Stein, au début des années soixante-dix ? En citant les grands noms – Call Me - de la scène new-yorkaise warholienne des années Factory, de Lou Reed à Brian Jones ? En décrivant un mélange révolutionnaire de rock, de disco, de pop, de new wave, familier des Talking Heads, autre preuve que se déroulait alors – Hanging On The Telephone - une époque formidable ? Pour évoquer Blondie, il suffit, en fait, de citer un de ces tubes inter-planétaires que tout terrien a déjà siffloté, chanté ou dansé.
Vampire Weekend
2014
Si Vampire Weekend est le parangon d’un rock dit « indé », c’est moins pour d’obscures connexions à d’imaginaires zones franches musicales que pour la liberté absolue que s’octroient les New-Yorkais d’aller dénicher l’inspiration aux quatre coins du monde. Dans le diocèse qui vénère la trinité guitare-basse-batterie, Ezra Koenig et ses trois camarades ne dépendent d’aucune paroisse, si ce n’est celle qui sacralise les belles mélodies. C’est cette liberté, assaisonnée d’une sophistication trempée à la fois dans la musicologie étudiée à la fac de Columbia et dans les bacs de disque de musique du monde, que l’on retrouve au fil de trois albums sans faiblesse. C’est elle aussi qui explique la trajectoire idéale d’un groupe en passe de devenir incontournable. La modernité de Vampire Weekend n’est pas sans rappeler celle qui saisit les chanceux découvrant Talking Heads dans les années 80. Toute une aventure.
Portishead
2014
Le retour de Portishead place 2014 comme un millésime exceptionnel. Groupe fondamental, l’union du démiurge Geoff Barrow - batteur et bidouilleur génial, créateur d’un son qui a inspiré des armées de musiciens - et de Beth Gibbons - cette voix ténébreuse qui a accompagné les nuits et les jours de millions d’auditeurs hallucinés - a définitivement placé, en un chef d’œuvre inaugural (Dummy), la ville de Bristol sur les cartes et installé le trip-hop comme la bande-son d’un siècle crépusculaire. Vingt ans plus tard, on aura passé beaucoup de temps à attendre des nouvelles : Dix années entre les second et troisième chapitres, six ensuite. Mais les belles histoires ne s’oublient jamais, et les retrouvailles seront forcément grandioses.
Parquet Courts
2015
Est-ce parce que leur itinéraire vogue de leur Texas natal aux trottoirs de Brooklyn que les membres de Parquet Courts semblent détenir le yin et le yang du rock américain ? La fougue d'un rodéo, l'élégance des meutes urbaines, le chaos poussiéreux, la rigidité post-punk, plus des ingrédients de quelque interstate trouble, tout y est dans les poussées de fièvre de Parquet Courts, quatuor auteur de certaines des performances les plus jouissives de ces derniers temps. Sur une scène occupée par Andrew Savage, Austin Brown, Sean Yeaton et Max Savage, on retrouve aussi bien les ravages de Thee Oh Sees que les plans impeccables de Television. Parquet Courts condense le meilleur du rock et en extrait de nouveaux standards.
Etienne Daho
2015
Etienne Daho occupe une place à part dans le biotope 50. Panthéonisé comme chanteur de variétés incontournable, la trajectoire du Rennais marque pourtant un tropisme anglo-saxon qui, depuis les années 80 et suffisamment de disques d’or pour en faire un collier géant, a permis à toute une génération de penser en termes de « pop » la musique chantée en français… Et baptisée en italien : La Notte La Notte, second album en 1983 s’ouvrait sur un « Week-End à Rome » aussi éternel que la ville en question. Trente ans plus tard, le doux dandy Daho peaufine encore son œuvre avec « Les Chansons de l’Innocence Retrouvée », grand disque de french pop exigeante et généreuse et dixième jalon d’une carrière impeccable qu’on ne finit plus de redécouvrir sous l’angle inédit dans le paysage musical français du songwriting.
Kasabian
2015
Au jeune Sergio Pizzorno, qui exprimait son ardent désir de devenir footballeur, le conseiller d’orientation rétorqua que des pistes plus sérieuses devaient être envisagées. Ce conseiller ne pouvait pas être plus à côté de la plaque : Non seulement Pizzorno serait plus tard à deux doigts de pieds de devenir football pro, mais en plus son alternative après l’échec de cet essai serait l’option la moins sérieuse qui soit. Serge deviendrait le guitariste d’un immense groupe de rock, après un cursus expéditif fait d’un seul album, l’inaugural et magistral Kasabian. Depuis 2004, Kasabian ravit fans de rock anglo-saxon et fans de foot, qui sont souvent les mêmes, et les métaphores enlevées ne manquent pas pour qualifier chaque nouvelle livraison des rockeurs de Leicester. La dernière fois, c’était trois jours avant le début de la Coupe du Monde 2014…
Miossec
2015
Miossec a entamé sa relation avec le public français il y a 20 ans en lui offrant à Boire. Une façon peut-être bretonne de séduire qui s’est révélée diablement efficace : deux ans plus tard, Baiser s’imposait et, de textes majeurs en chansons primordiales, l’homme de Brest a déplacé le point d’équilibre de la chanson française vers l’Ouest et le point focal de ses écrits du ventre vers le cœur. Le neuvième disque de Christophe Miossec, Ici Bas, Ici Même, est sorti en 2014, et révèle à nouveau un songwriter complet qui domine une scène hexagonale largement redevable à son Etreinte si précieuse et à cette façon unique de glisser des tripes entre des cordes. Miossec sera pour la première fois à Rock en Seine.
Rodrigo y Gabriela
2015
D’abord concentré sur les douze cordes de leur deux guitares, le petit monde de Rodrigo y Gabriela s’est rapidement élargi au monde entier en prenant appui sur les verts pâturages de l’île d’Irlande. C’est à Dublin que les deux Mexicains ont en effet fusionné leur formation classique de musiques latines en flamenco et consorts et leur passion d’un rock plutôt septentrional et plutôt heavy. Un duo mexicain qui régale des Irlandais de leur hard rock joué sur des guitares acoustiques, voilà une histoire qui ne pouvait pas rester confidentielle. Après avoir conquis le reste des îles britanniques, « Rod y Gab » ont joué leur sérénade musclée au reste du monde, foulant des scènes de plus en plus grandes et prouvant que, quand on a la technique, on n’a pas besoin d’électricité.
Massive Attack
2016
Cent fois enterré, cent fois ressuscité. Malgré des défections qui ont mutilé son collectif et aurait signé l’arrêt de mort de n’importe quel autre projet, Massive Attack continue en 2016 d’imposer les lignes de basse les plus hypnotiques de l’ère moderne, et peut même compter sur le retour dans ses rangs de ses plus grands hérauts en renfort du duo originel, 3D et Daddy G. Tricky, Martina Topley-Bird ou Horace Andy font partie de ce panthéon qui s’est autant nourri du golem bristolien que l’inverse. Les rares apparitions de Massive Attack, du haut de ses innombrables hymnes crépusculaires, sont l’objet des contemplations les plus avides depuis 25 ans ; ils sont également en prise directe avec le réel, pointant sans relâche dans des dispositifs saisissants, les travers les plus obscurs de nos sociétés.
La Femme
2016
La Femme a hypnotisé la France entière avec son premier album Psycho Tropical Berlin. Sur La Planche ? La Femme est surf rock ! Signé sur le label Born Bad ? C’est forcément garage ! Et ces textes ? La Femme c’est le futur de la chanson française ! Les claviers rétro-futuristes ? La Femme est un groupe de synth pop ! Identité sexuelle, intentions poétiques, audace formelle : La Femme a complètement déboussolé le monde de la pop hexagonale avec cet album, et l’a encore plus chamboulé lors d’une tournée triomphale. Les boussoles du pays attendent donc fébrilement le second album, prévu pour septembre, pour à nouveau perdre le Nord. Pour l’heure, les girouettes s’en remettent aux apparitions scéniques, extrêmement attendues, du collectif. Elles n’ont pas fini de tourner.
Iggy Pop
2016
Depuis le 10 janvier 2016, le rock ne compte plus qu’un seul monument : Iggy Pop est immortel, et si la science doit un jour contredire ce constat, la musique se chargera de lui opposer une carrière extraordinaire parsemée d’œuvres majeures. Aucune science ne pourra jamais disséquer le Raw Power et les déflagrations mythiques des Stooges. En 2016 Iggy Pop entreprend une énième fois de se réinventer avec Post Pop Depression, dix-septième album studio en forme d’introspection, de défi au monde des vivants, et surtout de disque magnifique. Désormais seul parmi les plaques commémoratives, l’Iguane n’a jamais autant représenté cette icône du rock, inamovible au milieu des déflagrations sonores d’un groupe constitué en son honneur. Une icône qui fera sa première apparition à Rock en Seine.
Eagles Of Death Metal
2016
Avant de devenir bien malgré eux le symbole d’un certain mode de vie, Eagles Of Death Metal c’est une blague entre deux potes de toujours, Jesse Hughes et Josh Homme, leur groupe du week-end pour vider des canettes. Ainsi né de pulsions fraternelles pas très intellectuelles, les aigles pour de rire se prennent au jeu et publient un premier album à l’ambition politique digne de Miss Kentucky : Peace, Love, Death Metal, manifeste rigolard entre gros rock sudiste et bluegrass essentiellement pensé pour prendre la route et faire des concerts de rock n’roll des exutoires en insistant s’il le faut sur le symbole phallique que constitue la guitare. Avec quatre albums au compteur du van, force est de constater que la blague a pris un peu de consistance. La faute à la moustache folle de Jesse ‘Boots Electric’ Hughes, certainement le frontman le plus fun du pays de Jack Daniels, et à une débauche électrique absolument ahurissante.