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  • Photo du rédacteurMathieu Dauchy

Cinq jours en chaussons




"xpTig67vby7jUvrTU90jkIgqWX". Après quatre tentatives je suis enfin parvenu à me connecter au wifi de Champollion aka celui de mes parents, qui manifestement ont très peur que des voisins leur grignotent un lé de bande passante.


J'ai passé cinq jours à la retraite, dans la maison où j'ai grandi et où mes parents vieillissent peinards, sise dans le top 5 des coins du monde les moins exposés au terrorisme et au tourisme de masse : l'Oise, chef-lieu Beauvais, Picardie.

Le pavillon familial, je l'imagine, a été choisi sur un catalogue aux dénominations prometteuses. Je l'imagine toujours, ce modèle de maison devait s'appeler "Sérénité". Moi je l'aurais baptisé "PépHouse" mais je ne suis pas vendeur de maison. Au fil des années et des emprunts, mes parents ont fait du tuning de maison, lui annexant une véranda (le modèle "voisins jaloux") et une terrasse carrelée à la maçonnerie répondant aux normes de l'angle droit. Dans le jardin, un portique de balançoire est scellée parallèlement à la clôture et un saule pleure sans déborder chez le voisin. On ne plaisante pas avec le cadastre, dans ce genre d'endroits.


Le décor est planté, visualisez-moi stopper mon véhicule à proximité du portail automatique "mais pas devant la boite aux lettres parce que sinon le facteur ne peut pas y accéder", et entrer dans la maison par la véranda lesté de gros sacs, d'un bouquet de fleurs et des deux copines dont j'ai déjà parlé dans un précédent post.


La vie dans l'Oise ne répond pas aux codes qui ont cours là où je vis annuellement. L'horloge au-dessus de la cheminée est arrêtée : le temps ici n'a qu'une fonction décorative. C'est la livraison du Parisien qui sonne les matines depuis que le coq de l'autre côté de la rue est mort. A 9h les mots fléchés quotidiens sont déjà gribouillés, le sudoku n'a pas attendu 8h30. Lorsque je descends de ma chambre d'adolescent, il ne me reste guère que cinq lettres à renseigner et mon père est déjà au fait (divers) des nouvelles du jour. En Picardie, Claude Askolovitch se prénomme Michel et il est en pyjama. Il peut alors s'installer devant son micro-ordinateur - c'est ainsi qu'on appelait les machines informatiques avant les books (Mac ou Chrome), celles qui exigeaient qu'on s'équipe d'un meuble spécial avec une place pour l'unité centrale, une pour l'imprimante et un petit support coulissant pour le clavier. Environ 87% de ce type de mobilier pourrit aujourd'hui dans les entrepôts des Emmaüs. Mes parents ont eu le bon goût de s'en séparer avant même l'ère de Windows XP.


C'est au visiteur de s'adapter aux contrées lointaines qui l'accueillent. Aussi, gare à celui qui ferme sa valise trop vite avant de s'envoler pour la retraite picarde : ça m'est arrivé quelque fois, je me suis brossé les dents au Parodontax pendant 5 jours. Il convient également de ne pas prendre trop de liberté vis-à-vis des traditions : le placement autour de la table est très codifié. Je tire mon chapeau à Antoine de Maximy pour avoir tant de fois bravé ce genre de religion.


Une fois les textes de lois ingérés, le R (comme Retraite) Bihènebi offre un large choix de distractions : l'écran plat fixé au mur du salon contient environ 1400 chaînes (mais pas Amazon Prime pour le foot, note du 22 décembre 2021, 21h17) ; la piscine intercommunale est à 4 minutes et le cinéma, intercommunal lui aussi, à 7. Si un jour un mouvement populiste remet en cause les intercommunalités comme d'autres ont dénoncé l'UE, que ses partisans ne viennent pas me parler de crawl ou de pop-corn. Si j'étais un influenceur lifestyle, je défendrais les valeurs slow life d'un tel séjour, le calme paysan, la frugalité heureuse. Je n'en suis pas un et je parlerai donc plutôt de méga glandouille et de douches prises à 11h.


C'est finalement une expérience de rétroactivité que de séjourner chez ses parents. On y retrouve ses aises adolescentes, cette insouciance qu'offrent les vacances sur le simple prétexte de ne pas faire son lit, de regarder un film au milieu de l'après-midi et de l'apéritif à répétition - coutume que je nomme "l'apérépétitif".


Je remercie mes parents pour cette adolescence qu'eux seuls peuvent m'offrir, pour leur patience à l'égard de mes fillettes, pour le café chaud et la literie de qualité, et pour me laisser percevoir la possibilité de vivre un jour, à mon tour, dans la Sérénité.





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